Article publié dans les Echos. Paris, le 22 octobre 2018
La fiducie, une alternative pour se financer
Une entreprise peut obtenir un financement garanti par des stocks et des actifs dont elle a toujours l’usage.
Utiliser un actif en garantie d’un financement, le principe est simple et bien connu. Toutefois, il n’est pas toujours facile à mettre en oeuvre. En particulier lorsqu’on souhaite utiliser des stocks circulants… C’est pourtant possible, comme l’a récemment expérimenté le dirigeant d’une scierie industrielle créée en 1958, basée dans l’Ouest de la France et qui réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de l’ordre d’une quarantaine de millions d’euros.
Elle avait besoin de 1,5 million d’euros de liquidités dans le cadre de la réorganisation de sa structure financière, son principal actionnaire souhaitant se reluer. A titre de garantie, l’entreprise disposait de stocks de bois, sur port ou en séchoirs, valorisés environ 14 millions d’euros, et pouvant donc permettre de sécuriser un financement long. Mais, comme le groupe devait avoir accès à ce stock pendant toute la durée du financement, il n’était pas possible de mettre en place un nantissement classique.
Cession de propriété temporaire
La solution est venue de la fiducie. « Le principe de la sécurisation fiduciaire est que le propriétaire d’un actif (corporel ou incorporel) transmet à titre temporaire la propriété de cet actif à un patrimoine d’affectation, le patrimoine fiduciaire, détenu par un fiduciaire, avec mission pour celui-ci de respecter des règles contractuelles précises, et qui peuvent notamment permettre de sécuriser un financement », explique Patrice Panaget, dirigeant cofondateur de Solutions Fiducie, une société de gestion qui mise sur ce nouveau type de financements.
Nous pouvons répondre à des besoins qui ont du mal à être satisfaits sur les canaux classiques.
Elle a levé en 2017 un premier fonds spécialisé, Solutions Fiducie Entreprise 2017 : « Plus de 20 millions d’euros destinés à financer de façon non-dilutive l’économie réelle à travers des tickets de 1,5 à 5 millions d’euros, uniquement dans le cadre de sûretés fiduciaires. Nous pouvons ainsi répondre à des besoins qui ont du mal à être satisfaits sur les canaux classiques, pour des questions de nature ou de projet. » Concrètement, l’entreprise a donc cédé la propriété temporaire de son stock à un patrimoine fiduciaire créé pour l’occasion. « La sûreté est particulièrement robuste puisque le fiduciaire devient réellement propriétaire du bien. En cas de faillite de la société financée, les stocks ne seront pas soumis au gel des créances et des sûretés et le fiduciaire pourra éventuellement les vendre, sans avoir à en référer à un juge ou à un administrateur, détaille Patrice Panaget. Pour financer 1,5 million d’euros, le fonds a pris en sûreté un stock d’une valeur de 3 millions. »
Un stock vivant
Ce stock vit puisque, même s’il n’appartient plus à l’entreprise, elle peut y réaliser des entrées et des sorties par achat et vente avec le patrimoine fiduciaire. La zone de stockage fiduciaire est identifiée matériellement. « Il n’y a pas de mélange : le patrimoine fiduciaire est indépendant et a sa propre comptabilité. Les achats et ventes sont enregistrés au fil de l’eau et les paiements éventuels compensés mensuellement. Si la valeur du stock fiduciaire venait à passer en dessous d’un certain montant, le contrat prévoit de rétablir le ratio de couverture… », indique Patrice Panaget. Les opérations sont réalisées sous le contrôle d’un prestataire de services spécialisé, avec des outils de suivi et de gestion en ligne.
D’un point de vue financier, l’opération s’est révélée raisonnable : entre 7 % et 8 % par an tout compris (montage, honoraires du fiduciaire et intérêts financiers), pour un financement de 5 à 7 ans in fine. « La finalisation des trois différents contrats – de prêt, de fiducie et d’approvisionnement, pour organiser les flux de stocks – a demandé un bon mois de travail. Ce sera plus rapide la prochaine fois », indique Patrice Panaget. De fait, une seconde tranche est prévue d’ici quelques mois.
Cécile Desjardins, Journaliste financier